Darling, 10 ans, vivait dans un beau quartier et une belle maison avec ses parents. Et puis un jour, les bulldozers sont arrivés. Tout a été cassé:leurs murs, leurs meubles, leurs vies, leurs espoirs, leurs rêves. Une dame qui avait laissé son petit garçon endormi afin de faire une course rapide l’a même retrouvé mort sous les décombres.
Quand « we need new names » débute, Darling et ses amis sont déjà dans le quartier précaire, paradoxalement appelé paradis, qui les a recueilli. C’est une nouvelle vie à laquelle ils doivent tous s’habituer.
Une vie où Darling marche désormais sans chaussures.
Une vie où elle ne va plus à l’école.
Une vie où son père a dû aller travailler dans un autre pays mais n’envoie rien pour subvenir à leurs besoins.
Une vie où sa mère doit aller passer des jours dehors à faire son commerce pour des miettes.
Une vie où la faim est comme un monstre avec des mâchoires puissantes, qui plante constamment ses crocs acérés dans leur estomac.
Une vie où elle doit voler des goyaves dans les beaux quartiers pour se nourrir ou attendre que les camions des ONG passent et leur distribue quelques douceurs contre des photos pour alimenter leur marketing de la misère.
En filigrane, on voit le Zimbabwe d’une époque où les blancs sont dépossédés de leurs biens,où les contradictions politiques ne sont pas permises, où les opposants sont tués, où les gangs sévissent… Un Zimbabwe de la peur, du manque, de l’injustice.
Et Darling, comme beaucoup d’autres, rêve de partir. Elle veut aller en Amérique rejoindre sa tante Fostalina. Elle y arrivera finalement mais rien ne sera comme elle l’avait rêvé. La nourriture, les gens, les papiers, le travail…
J’ai particulièrement été touchée par le chapitre 16 « How they lived ». Il relate la souffrance des immigrés, obligés de garder le sourire face aux adversités, obligés de supporter l’ignorance et la condescendance des habitants de leur patrie d’accueil, craignant régulièrement que les lois qui les concernent durcissent et qu’on doive les expulser. Ils sont incapables de rentrer au pays, parce que malgré les nombreuses années passées aux USA ils n’ont toujours pas réussi à avoir les papiers les autorisant à y demeurer légalement. Ils ne pourraient donc pas revenir.
Ils se brisent l’échine au sens figuré, et parfois au sens propre,pour faire des métiers ingrats et sous payés, seuls disponibles puisqu’ils n’ont pas de papiers.
Il profitent à peine de l’argent qu’ils gagnent. En effet, sollicités fréquemment par ceux qui sont restés de l’autre côté, ils refusent de les décevoir. Ils se photographient avec le sourire devant des monuments, qu’ils envoient à leur famille.
Cette comédie de la réussite nourrit le désir des plus jeunes de les rejoindre. Certains y arrivent et pour eux aussi c’est la désillusion.
Bien souvent, leurs parents restés au pays meurent sans qu’ils ne puissent les revoir, les serrer dans leur bras, les enterrer: puisqu’ils n’ont pas de papiers.
Ils finissent par se dire qu’ils n’ont plus d’attaches avec leur patrie et acceptent cette prison dorée qu’est devenu leur pays d’exil.
Ils bâtissent de nouvelles familles, donnent à leurs enfants des noms américains pour faciliter leur intégration. Et ces enfants là s’intègrent tellement qu’ils parlent à leurs parents n’importe comment, préfèrent aller sur Google au lieu de les solliciter quand ils ont des questions, mènent leur vie comme ils veulent et les abandonnent quand ils sont vieux et âgés.
Quelle tristesse !
On a tous de la famille à l’étranger. Des gens qui semblent mener une vie de rêve qu’on envie. Des gens qu’on a harcelé pour des vêtements, des accessoires, des visites, de l’argent.
Des gens qui ont leurs propres souffrances qu’ils dissimulent tellement bien, car il vaut mieux faire envie que pitié.
Peut être que finalement, ils gagneraient à montrer les choses telles qu’elles sont et à se départir de cette charge mentale et financière qui les écrase.
Et cela sauverait peut-être les vies, des jeunes gens croyant tellement en l’eldorado mis en scène qu’ils sont prêts à tout pour y aller, même au péril de leur vie.
Peut-être qu’on devrait rappeler plus souvent à nos parents de l’autre côté, que nous les aimons, pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils ont ou ce qu’ils font pour nous. Nous devons leur dire que leurs incapacités, leurs échecs ne les définissent pas et n’altèrent en rien l’amour qu’on leur porte.
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