Mme Shibata en a marre. C’est toujours à elle de servir le café à ses collègues masculins. Encore à elle de débarrasser à la fin des réunions, vider les cendriers, faire la vaisselle. Comme si la propreté avait quelque chose à avoir avec le genre. Elle est la seule femme du groupe alors les autres estiment que c’est à elle de le faire. Pourtant, elle a aussi du travail et des deadlines à respecter.
Un jour, elle craque. Elle annonce qu’elle est enceinte et ne supporte pas les odeurs des restes qu’on veut qu’elle débarrasse….
Dès lors, on allège sa charge de travail. Ses collègues sont plus attentionnés. Elle peut enfin quitter le bureau aux horaires normaux. Elle découvre un autre monde. Un monde où elle a le temps de prendre un bain au lieu de douches rapides, de cuisiner ses repas au lieu d’acheter des plats au supermarché, de faire du sport, de regarder des films sur Amazon Prime… Il y a aussi quelques regards de travers parce qu’elle n’est pas mariée.
Mais il y a un gros hic. Mme Shibata n’est pas enceinte. Elle s’enfonce dans le mensonge au fur et à mesure que la date de son accouchement approche. Chose étrange, son ventre se met vraiment à grossir. Une affaire rocambolesque.
J’ai été surprise de voir que cette pratique courante ici se fait aussi au Japon: attendre des collègues de sexe féminin qu’elles fassent gratuitement et systématiquement le ménage et le service au travail.
À mon sens, s’il n’y a pas de personnel dédié, cela devrait être un coup de main volontaire et occasionnel motivé par l’entraide qu’implique toute vie en communauté. Non une obligation au point où si tu es occupée ailleurs, on aille te chercher pour venir débarrasser. Au point où tous les jours quand tes collègues finissent de manger, ils déposent leurs couverts sales dans l’évier pour t’attendre!
Vous savez, parfois, quand ce que tu fais, même de bon cœur devient une obligation, quand les gens en face deviennent trop exigeants oubliant que c’est une faveur en réalité, ça fait monter la moutarde au nez.
Lorsque Mme Shibata, à cause de sa fausse grossesse, a arrêté de faire le service, on lui a demandé de compiler dans un document Word les instructions pour bien servir et débarrasser (la bonne blague) afin que quelqu’un d’autre puisse prendre le relais.
Et c’est finalement un stagiaire, le plus jeune homme du groupe qui a pris la relève. J’ai trouvé ça révélateur!
Ça montre que finalement ils n’ont pas confié cette tâche à la fille du groupe à cause d’une prétendue compétence. C’est plutôt une affaire de hiérarchie sociale. Il y a le sous-entendu que c’est une tâche ingrate qui doit incomber à un subalterne. Et on est apparemment subalterne soit par le poste que l’on occupe dans l’organigramme, soit par l’âge que notre carte d’identité affiche, soit par le genre que Dieu nous a donné.
Si vous avez déjà vécu ça au travail, j’aimerais bien avoir vos retours.
Le livre parle aussi de la solitude des femmes, mêmes quand elles sont mariées. Leur mari ne s’implique pas dans la gestion du quotidien. Elles sont débordées. Elles ont l’impression d’être des mères célibataires.
Je pensais que le thème aurait été traité différemment. Mais en somme, « Journal d’un vide » de Emi Yagi est une belle petite lecture qui montre finalement l’universalité des défis des femmes en tant que professionnelles, épouses et mères. Jusqu’au Japon je vous dis ! Même pipe. Même tabac.😂 😂
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