Bamako. Nous sommes à l’époque où parler un mot de sa langue maternelle à l’école fait écoper le coupable d’un « symbole ». Un symbole qui lui vaut des moqueries et une amende à payer. Un symbole que certains peuvent glisser à votre insu dans votre sac. Alors le jeune Hamet surveille rigoureusement son sac. De plus, il met un point d’honneur à parler un français correct, un bon français, un gros français même.

Le vocabulaire truculent qu’il emploie détone dans la bouche d’un enfant. Et c’est ce qui, entre autres, fait flotter un sourire presque continu sur les lèvres du lecteur.

Les lignes sont émaillées de mots en langues et d’onomatopées:  » Sazike « , « Walaye Bilaye« , « N’pa me gifla wali-wali« , « Mathiné sort Koumbètè Koumbètè pour me sermonner. », « Elles passent fougoussa fougoussa et me disent bonjour comme si je n’avais que cela à faire, comme si on me payait pour être assis sur ce tabouret et répondre aux bonjours des gens. »

La langue est imagée:

« Ah ! Le toubab ! Tu es enroulé comme les intestins du dibitier. Quelle élégance !  »
« Les pneus du véhicule commencent à patiner. Glissement yobi-yobi ! »

Le genre d’expressions qui m’ont fait rire tout le long.

Après une série de gaffes en ville, le petit Hamet est expédié au village chez sa grand-mère paternelle pour apprendre les valeurs Soninke. Là, il découvrira un autre mode de vie et des secrets de famille bien gardés.

J’ai passé des moments agréables avec le petit Hamet.

Mais j’ai été attristée par l’histoire de N’Pa, son père. Petit, il rêvait d’aller à l’école. Mais les notables avaient demandé à tous les enfants du village de faire les idiots quand les blancs viendraient pour les recruter. Le père d’Hamet avait refusé. Il s’était montré brillant et avait été le seul retenu. Mais son père avait fait le tour des mystiques et des bois sacrés pour que son fils soit arraché de la « perdition » que représentait l’école. Le premier jour de classe, le commandant avait regardé le père de Hamet de haut en bas et avait demandé à ce qu’il soit expulsé pour de bon. Sans raison. Les Dieux du père avaient gagné. Obligé de se débrouiller dans des petits emplois en France, N’Pa veut offrir un avenir meilleur à son fils grâce à l’école.

En lisant son histoire, j’ai pensé à toutes ces personnes limitées par des actions de leurs ascendants et qui parfois ne s’en rendent même pas compte. Elles peinent à voyager, se marier, garder un emploi, avoir un enfant, sans savoir qu’il y a des liens ancestraux qui les maintiennent dans des prisons spirituelles.

Que la grâce nous soit accordée à tous d’aller de victoires en victoires, libres de toutes entraves.