Ndongo Passy et Grekpoubou sont les 2 coépouses du chanceux Lidou. En effet, loin des crêpages de chignons usuels aux foyers polygamiques, des sourires faux, des gestes hypocrites, des défilés chez les féticheurs et marabouts pour un renfort mystique, les deux coépouses s’aiment comme deux sœurs. J’ai même envie de dire qu’elles s’aiment plus qu’elles n’aiment leur époux.
Ndongo Passy la première épouse est la plus belle, la plus intellectuelle aussi même si elle n’est pas allée bien loin à l’école. Elle est celle dont le discours donne le plus à réfléchir. On a envie de se demander pourquoi son époux a-t-il jugé bon de lui adjoindre « une aide » moins qualifiée. C’est que pour le malheur de Ndongo Passy, elle n’a eu qu’un seul enfant. La coépouse en a 4, au moment où se déroule l’histoire.
Tout va donc plutôt bien pour Lidou, qui prospère dans le domaine de la construction, jusqu’à ce qu’il décide, après une nuit sans pouvoir satisfaire sa 2ème épouse, de trouver une solution à ce qu’il pense être un début d’impuissance sexuelle. Les deux choses sont-elles liées ? Cela n’est pas explicitement dit dans le livre. Toujours est-il qu’après avoir avalé l’équivalent du viagra en médicament de blanc et en décoction traditionnelle, Lidou est retrouvé quelques jours plus tard mort dans sa cour. Commence alors pour Ndongo Passy, Grekpoubou et leurs enfants une lutte pour leurs droits, face à une belle famille bien décidée à les exproprier.
« La famille du mort est si avide, si rapace, qu’elle vole tout et qu’elle mangerait même le mort lui-même avec appétit si elle y trouvait le moindre intérêt. » P 156
Ce n’est pas le premier livre sur la condition des veuves que je lis. Pourtant, j’ai toujours ce même choc de voir comment des personnes que la veuve a hébergé, soigné, aidé, retournent leur veste en une fraction de seconde. C’est à se demander si depuis le début, tout n’était qu’hypocrisie ou si c’est l’appât du gain qui les fait changer du jour au lendemain. Et puis quitte à vouloir profiter des biens du défunts, pourquoi ne pas prendre une partie ? Pourquoi vouloir tout arracher, tout pour soi, rien pour la veuve et les enfants ? Comme si elle n’avait pas contribué à amasser ces biens ? Comme si les enfants du défunt devaient mourir avec lui ? Le frère qui vient s’accaparer les biens de l’autre oublie-t-il qu’un jour lui aussi mourra et que sa femme deviendra veuve et ses enfants orphelins ? Cela devrait être une motivation suffisante pour faire cesser de telles injustices !
Le style d’écriture d’Adrienne Yabouza est simple, drôle, assaisonné de mots en Sango, coloré d’expressions empruntées à la rue de Bangui. J’ai dévoré les 162 pages en moins de 24heures.
« Comment annoncer à une épouse qu’elle est complètement veuve ? C’est pire pour une femme de dire ça à une autre femme que pour le Président de la CEI d’annoncer les résultats catastrophiques des élections à toutes l’opposition réunie. » P37
« La mère de Lidou et de Songowali, qui était née vers mille neuf cent plouf plouf, pouvait, à vue d’œil, avoir déjà quatre-vingts ans ? Leur père, mort, était bien-sûr absent et excusé. » P 67
J’ai acheté le livre au Sila 2019.
Add a Comment