La 8e édition de la CGECI Academy a eu lieu les 14 et 15 Octobre au Sofitel Ivoire, avec la présence très remarquée et appréciée du Président Rwandais Paul Kagamé. Celui qui a hissé son pays au 29e rang mondial du classement Doing Business 2019 et à la 2e place en Afrique était attendu pour partager son expérience. Il l’a fait pendant un Panel de Haut niveau et un échange spécial avec les jeunes sur l’entrepreneuriat lors de la première journée.
Je retiens de son passage que Paul Kagamé n’a pas réinventé la roue chez lui. Il a dit des choses que l’on savait plus ou moins déjà. Son mérite est d’avoir réussi à les appliquer là où un bon nombre de dirigeants, pour plusieurs raisons, restent embourbés dans la théorie et ont du mal à briser les carcans traditionnels pour se projeter dans une attitude innovante et dynamique.
Comme il pouvait le dire : « Il ne faut pas seulement parler mais il faut y aller et quitter les verbiages. »
L’histoire de son pays n’est pas non plus étrangère aux feux des projecteurs qui le suivent pratiquement partout. Quand on a connu des évènements aussi tragiques que le génocide, il n’est pas aisé de recoller les morceaux et d’en faire des fondations suffisamment solides pour édifier une nation forte. Les ivoiriens savent la difficulté d’une entreprise de réconciliation après un drame.
« Nous avons tiré des leçons en or de la tragédie du génocide et le défi est de continuer à rassembler les gens et de construire sur cette fondation des choses qui font notre fierté » disait encore Paul Kagamé pendant le panel de haut niveau.
L’exemple Rwandais
Voici donc quelques un de ces « secrets » ou conseils partagés avec le public :
- aller à la rencontre de la population, urbaine, rurale, visiter différentes couches de la population, recueillir les avis, accepter les critiques, mêmes celles à l’endroit du gouvernement, sensibiliser les gens sur l’importance de leur contribution personnelle dans la réalisation des objectifs nationaux ;
- promouvoir le Made in Rwanda, offrir aux entrepreneurs des plateformes nationales et internationales pour montrer leur savoir-faire ;
- s’assurer d’avoir un retour sur chaque investissement effectué ;
- écouter le secteur privé et surmonter les barrières au commerce. Aucune opportunité ne devrait être perdue en raison de barrières réglementaires ;
- s’assurer que les jeunes ont une bonne formation académique, sont bien préparés à saisir les opportunités qui viennent à eux et travailler sur leur mentalité pour leur donner le goût de l’entrepreneuriat et de l’innovation ;
- ne pas être en perpétuelle dépendance. Arriver à assumer soi-même le financement de la transformation économique de son pays ;
- travailler à faire de l’intégration régionale une réalité ;
- le gouvernement et le secteur privé doivent éviter de vivre dans la routine. Essayer quelque chose de nouveau, quelque chose de différent ;
- impliquer davantage les femmes pour avoir une approche panoramique du point de vue démographie et ne laisser personne pour compte. 52% de la population rwandaise est féminine. Et c’est normal que ce pourcentage, et même plus, se ressente dans tous les secteurs d’activités ;
- derrière tout défi se cache une opportunité. Si une personne peut le faire, tout le monde peut le faire ;
- Créer un écosystème pour les startups. Vous voulez résoudre un problème dans l’agriculture, vous voyez que cela a un lien avec l’électricité et la logistique. Le gouvernement doit élaborer une politique volontariste et collaborer avec le secteur privé pour créer des synergies.
Je veux conclure cette partie avec cette citation qui montre bien qu’il n’y a pas de chemin tout tracé pour atteindre le succès mais qu’il faut s’inscrire dans une attitude dynamique et innovante pour le bien de la communauté :
« Dans la plupart des cas nous avons réussi de façon accidentelle. Il ne faut pas être statique. »
Le Président Paul Kagamé a reçu le prix spécial des Patronats Ouest Africains pour son leadership.
Le modèle Mauricien
J’ai aussi été bluffée par l’exemple de l’île Maurice entendu pendant le panel sur « la création d’entreprise : expérience des startups ». C’est ce pays qui occupe la 1ère place du classement africain Doing Business 2019. A l’île Maurice :
- l’école est obligatoire et gratuite jusqu’à l’université ;
- celui qui n’arrive pas à performer dans les études jusqu’à l’âge de 16 ans peut aller apprendre un métier dans les institutions ouvertes par l’Etat. Ce métier est garanti par un certificat (coiffeur, tailleur, plombier…). Les cours durent 2 ans et sont gratuits. Le transport pour les étudiants est gratuit ainsi que le matériel d’apprentissage ;
- l’Etat oblige les PME à prendre les étudiants en stage pendant 1 an après la fin de leur formation ;
- après le stage l’étudiant peut demander un prêt garanti par l’Etat allant jusqu’à 50.000 euros. Il rembourse en 5 ans maximum sans intérêt.
- Dans chaque banque, exceptée la poste, il y a un guichet entrepreneuriat où tu peux demander un crédit. Et tu n’attends pas plus de 2 mois avant d’avoir ton argent.
Quand tu créés ton entreprise, pendant 5 ans :
- tu es exempté d’impôts ;
- tout matériel que tu importes sur l’île pour travailler vient sans taxes ni frais de douanes ;
- l’Etat te donne des locaux selon la taille de ton entreprise et subventionne ton électricité et ton eau.
- si tu as des véhicules pour faire des livraisons l’Etat subventionne ton essence.
En 2018, 9617 demandes de création d’entreprises ont été enregistrées. 96% ont été acceptées. L’Etat a déboursé 500 millions d’euros pour les aider.
La modératrice a insisté sur le fait que l’île Maurice fait 1.300.000 habitants. Cela explique peut-être leurs performances. Toutefois je suis convaincue que même avec nos plus de 23 millions d’habitants, nous pouvons tirer de leur fonctionnement des bonnes pratiques à adapter ou reproduire. J’ai été ravie d’entendre la panéliste issue du CEPICI dire qu’ils ont déjà effectué des missions à l’île Maurice pour apprendre d’eux. J’espère que cela permettra des améliorations pour le bonheur des entrepreneurs.
Le cas ivoirien
Ici aussi des progrès sont faits pour améliorer l’environnement des affaires et la vie des populations. Le Vice-Président de la République, Monsieur Daniel Kablan Duncan, le Ministre du Commerce et de l’Industrie, Monsieur Moussa Sanogo ont abordé ces aspects dans leur intervention. Mais bien évidemment il reste beaucoup à faire et le patronat juge toujours la pression fiscale trop élevée.
J’ai bien aimé savoir que le CEPICI est en pleine réflexion pour un nouveau dispositif de dématérialisation qui lui permettra de créer une entreprise en 6h ou qu’il existe l’Agence Côte d’Ivoire PME pour accompagner les entrepreneurs dans cette belle aventure. Elle existe depuis 2014 par la loi mais est opérationnelle depuis 2017. L’Agence a pour mission de :
- favoriser la création d’entreprise ;
- renforcer les capacités des dirigeants ;
- améliorer l’accès au marché et au financement ;
- améliorer le climat des affaires ;
- développer la culture entrepreneuriale et l’innovation.
Elle dispose de 3 outils principaux : un incubateur appelé Dream Factory, un guichet des services aux PME et un centre d’intelligence des affaires. Ma petite expérience m’a montrée que l’information est capitale pour quiconque veut entreprendre. Elle peut vous faire économiser du temps et de l’argent. Je suis donc ravie de voir que les dispositifs pour accompagner les entrepreneurs se multiplient.
Excellent compte-rendu ! Merci infiniment pour le partage.
Sur le fond:
– Le modèle rwandais tel que présenté me paraît répliquable en Côte d’Ivoire vu que son principal ingrédient est le leadership.
– Quant au modèle mauricien, il semble reposer sur le principe de l’Etat providence, notamment en raison de la faible population comme mentionné dans le post.
– Sur le modèle ivoirien, il y a lieu de s’interroger sur la réelle volonté politique de nos dirigeants et notre capacité à mettre en oeuvre les belles intentions officiellement affichées.