la tresse

J’ai lu : la tresse de Laetitia Colombani

Tout au long du livre, les histoires de 3 femmes s’entremêlent comme une tresse. L’auteur part de l’une à l’autre, entretenant le suspense, nouant et dénouant les intrigues. Le rythme est soutenu, les mots simples et touchants. Au fur et à mesure, on voit un lien apparaître.

Inde

Smita est de la caste des intouchables, les Dalits, les rebuts de la société. Elle est nettoyeuse de latrines sèches. Chaque jour elle plonge la main et les pieds nus dans les  excréments des castes supérieures, comme sa mère avant elle. Smita refuse ce destin pour sa fille. Lalita doit aller à l’école, apprendre des mots savants, avoir un travail digne, se déplacer en hélicoptère comme « cette femme Dalit parvenue au sommet de l’Etat, Kumari Mayawati, aujourd’hui la plus riche femme du pays. Une intouchable devenue gouverneur.» P99 Elle doit avoir le choix de ne pas côtoyer toute sa vie la puanteur des déchets des autres, de ne pas avoir pour toute nourriture que les rats attrapés par son père dans les champs des castes supérieures. Smita connait les risques d’une telle révolte. Viols, tortures, meurtres, dans leur village, les histoires pullulent de Dalits ayant été démembrés, battus, abattus pour avoir osé se rebeller, rêver d’une autre vie. Smita doit décider quel sentiment est le plus fort entre l’amour qu’elle porte à sa fille et la peur des représailles si son plan échoue.

Sicile

Guilia est une Lanfredi. Chez eux, on manipule les cheveux de père en fils. Comme son père n’a pas eu de fils, c’est elle qui prendra la relève quand il ne sera plus là. En attendant, elle apprend le métier avec passion et patience. Décoloration, coloration, pose, tri. Elle se mêle aux ouvrières qui transforment les cheveux collectés chez les coiffeurs des environs en perruques. Quand son père est victime d’un accident de la route, elle se retrouve plus tôt que prévu à la tête d’une entreprise familiale qui est au bord du gouffre financier. Il lui faudra prendre des décisions courageuses et s’aventurer sur des sentiers jamais arpentés par les Lanfredi si elle veut que l’atelier ne ferme pas. La tâche est d’autant plus ardue qu’elle a été éduquée dans la soumission, l’obéissance et le respect de la tradition.

Canada

Canada. Sarah. Redoutable Avocate associée d’un prestigieux cabinet, Sarah a bâti sa carrière à force de travail et d’abnégation. Même si ses succès lui ont coûté deux mariages et lui ont valu de ne pas être présente pour ses trois enfants, elle est heureuse du chemin parcouru. Elle a réussi à briser ce plafond de verre qui maintient tellement de femmes à des postes inférieurs à leur potentiel. D’ailleurs, elle est pressentie pour remplacer le grand chef qui doit partir à la retraite. Et puis un jour, en pleine audience, Sarah s’effondre sur le sol. Elle est malade. Un cancer. Elle refuse de s’avouer vaincue. Elle va se battre. Les efforts consentis depuis tant d’années ne s’écrouleront pas. Elle est forte. Elle fera face. Seule. Dans le secret le plus absolu. Personne ne doit savoir. Pas ses enfants. Et encore moins ses collaborateurs car « quand on nage avec les requins, mieux vaut ne pas saigner » P120. Or il y a des fardeaux qui nécessitent plus de deux bras pour les porter.

Mes coups de coeur

J’ai beaucoup aimé l’histoire de Smita qui m’a fait découvrir un monde qui m’était jusque là inconnue. Savoir que de telles souffrances, de telles injustices existent sous nos cieux font naître un véritable sentiment de révolte. Par contre, l’histoire dans laquelle je me suis reconnue est celle de Sarah. Les questions qu’elle se pose me sont très familières tout comme à une multitude de mères dans le monde. Cet inconfort vis-à-vis de notre employeur quand on tombe enceinte ; cette impression d’avoir trahi la cause. Cette culpabilité quand on quitte nos enfants, souvent en bas âge pour aller travailler. Ce périple pour trouver la nounou idéale qui prendra soin de nos enfants comme si c’était nous-mêmes. Sarah a fini par trouver un « homme nounou » et j’avoue n’avoir jamais pensé à cette option. Cette envie de prouver que notre sexe n’est pas une faiblesse mais que nous sommes aussi capables de grandes choses. Ces déchirements. Ces écartèlements. Cette recherche d’un équilibre qui semble toujours précaire malgré nos efforts.

J’ai dévoré le livre en deux journées. Je l’aurais facilement fait en quelques heures si je n’étais pas en mode tourisme au Maroc entre Souk, Médina et Riad. Je vous recommande vivement « la tresse » de Laetitia Colombani. Vous passerez un bon moment de lecture.

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