tatoueur

J’ai lu : le tatoueur de Auschwitz de Heather Morris

En 1942, à Krompachy en Slovaquie, Lale Sokolov  mène une vie plutôt confortable entre son travail qui lui permet de flirter avec de belles femmes et son aisance relationnelle exacerbée par sa maîtrise de 6 langues européennes.

Mais la vie de Lale bascule quand l’Allemagne Nazie durcit sa politique vis-à-vis des Juifs.  Les Juifs n’ont plus le droit de travailler. Leurs entreprises sont confisquées. Un ordre tombe. Tous les Juifs de Slovaquie doivent envoyer un garçon ayant plus de 18 ans pour « aider » le gouvernement Allemand. Ceux qui ne s’exécuteront pas verront toute leur famille être déportée dans des camps de concentration. Max, le grand-frère de Lale décide de se faire enrôler. Lale refuse. C’est à lui de partir. Son grand-frère a une femme et deux enfants. Il doit rester auprès d’eux.

La descente aux enfers

Lale part donc pour que sa famille soit épargnée. Il ne sait pas avec exactitude ce qui l’attend. Alors, il emporte un joli costume, des livres, quelques biens précieux. Très vite, il déchante. Ils sont entassés comme des animaux dans des wagons…pour bétails. Le train finit sa course à Auschwitz-Birkenau un des plus grands et célèbres camps de concentration de l’Holocauste. Là, les enfants, les vieux, les handicapés, les malades sont systématiquement exécutés. Les plus robustes sont utilisés pour des travaux durs, comme construire de nouvelles chambres à gaz pour les exécuter ou de nouveaux crématoriums pour brûler les corps. Certains, ceux qui ont énervé un garde ou un haut placé, font des travaux d’une absurdité affligeante. Toute la journée ils doivent emmener de grosses pierres d’un point A à un point B, puis du point B au point A. Le dernier arrivé est abattu. Une tâche pénible et absolument inutile. Une humiliation de plus. Abattus pour un regard de travers, parce qu’un garde a passé une mauvaise nuit, parce qu’un garde veut s’amuser, utilisés pour des expériences médicales, castrés, mutilés, c’est l’humanité à son plus bas degré qui est décrite dans cet ouvrage.

Le Tatoueur de Auschwitz

A Auschwitz, Lale qui semble avoir autant de vies qu’un chat, échappe à une maladie mortelle et devient par un concours de circonstances le tatoueur du camp. Tous les juifs qui entrent dans le camp doivent recevoir sur leur bras un numéro. Lale devient celui qui inflige cette peine aux autres. Ce poste lui donne quelques privilèges. Il fait ce qu’il faut pour survivre et pour apaiser les souffrances de ses compagnons d’infortune.

Une lueur au coeur des ténèbres

Au cœur de cet enfer, aussi inattendu que cela puisse paraître, Lale trouve l’amour en la personne de Gita. C’est le coup de foudre alors qu’il s’apprête à lui tatouer le bras. Le livre relate leur relation au rythme des exécutions des détenus, des épidémies, des menaces, de la peur, des revers de fortune, des suicides, des expériences médicales. Il décrit la lutte effrénée de Lale pour s’assurer que tous les deux puissent survivre.

Ce qu’il y a de soulageant dans les livres aussi tristes basés sur une histoire vraie est que le lecteur est d’emblée rassuré sur le fait que le personnage principal a survécu.  Mais ce qu’il y a de terrible, c’est de savoir que les horreurs décrites dans l’œuvre ont vraiment existé.

Un livre captivant

Cela faisait longtemps que je n’avais rien lu en rapport avec la Shoah. A la faveur de mon voyage récent en Allemagne, après l’avoir aperçu plusieurs fois dans différentes librairies, j’ai fini par acheter le Tatoueur de Auschwitz en version anglaise. Je comptais juste lire quelques pages pour faire passer les deux journées à courir d’un aéroport à l’autre lors du trajet retour. J’avais prévu ensuite de retourner à la lecture de « Becoming » de Michelle Obama, trop volumineux pour être emporté facilement dans mon périple. Mais je ne l’ai plus lâché jusqu’à la dernière goutte d’encre.

Aimer malgré l’horreur

Le tatoueur de Auschwitz est l’histoire d’un amour qui nait, grandit et survit à une des plus grandes tragédies de l’humanité. Le livre fait surgir en nous des questions multiples. L’être humain a-t-il une limite à l’atrocité qu’il est capable d’infliger à ses semblables ? Les nazis étaient inépuisables en idées pour des exécutions de masse. Qui est le vrai héro face à l’adversité ? Celui qui préfère abréger ses souffrances et choisit la mort à l’humiliation ? Celui qui décide coûte que coûte de triompher ? Jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour rester en vie ?

L’un des personnages devient la maitresse du chef du camp. Elle a 16 ans à peine. A-t-elle le choix ? C’est donner son corps ou mourir sur le champ. Elle veut vivre. Mais plus tard, elle paiera cher le fait d’avoir choisi la vie là où certains se jetaient sur les barbelés électriques pour en finir.  Elle paiera ce confort obtenu au prix du sacrifice de son corps, alors que d’autres subissaient le froid, la faim ou la soif. Collabo. Une étiquette qui, on le réalise, n’était pas forcément méritée par tous. D’ailleurs l’auteur Heather Morris a annoncé la parution en Octobre 2019 d’un autre livre, basé cette fois sur l’histoire vraie de Cilka, ce personnage secondaire qui passera 15 années de sa vie dans un camp de travaux forcés pour avoir commis l’odieux crime de « coucher avec l’ennemi ». Avait-elle le choix ? Je compte bien chercher et acquérir cet ouvrage également.

Pour avoir passé quelques semaines en Allemagne, je me demande aussi comment un pays arrive à tourner une page aussi noire de son histoire. Comment il arrive à se relever après avoir été aussi bas et avoir subi coup sur coup. L’holocauste a plus de 70 ans. La chute du mur a à peine 30 ans.  Comment on reconstruit la confiance ? Comment on réussit de nouveau à se regarder en face, se côtôyer, vivre ensemble ? Comment on arrive à s’aimer et à aimer de nouveau ? La Côte d’Ivoire a peut-être quelques leçons à apprendre de la nouvelle Allemagne.

Je conseille vivement ce livre. Il est bien loin d’être encore une autre histoire sur la Shoah.

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