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Fête des pères 2018: hommage à un homme spécial

A chaque fois que je pars en voyage et que je vais faire du shopping, il y a toujours quelqu’un pour me demander « tu n’achètes rien pour ton mari ? ». Je plaisante généralement en répondant « tu le connais où ? C’est lui qui t’envoie ? Il t’a payé pour me poser la question ?».

C’est encore arrivé en Afrique du Sud. La caissière qui écoutait ma conversation avec mon amie a répondu « votre mari doit être quelqu’un de très généreux ». Je suis restée silencieuse devant l’évidence. Elle avait tellement raison.

Mon époux est généreux. Cette générosité n’est pas seulement financière puisqu’il l’a débuté bien avant d’avoir du travail et de l’argent. Cette générosité c’est tout l’amour et le respect qu’il donne aux autres, même quand la société considèrerait ces autres comme inférieur à lui. Les anecdotes sont multiples. Je vais vous en conter quelques unes.

C’est le soir. Petite balade en amoureux dans le quartier main dans la main. Soudain, je ne sens plus sa paume dans la mienne. Il a repéré une vieille dame croulant sous le poids de bagages. Les gens passent indifférents. Pas lui.

« Maman, je peux t’aider ? ».

Je ne vous parle pas d’une fois, ni de deux fois, mais de cas qu’on ne peut compter. En général toutes ces dames ont la même réaction. La surprise. « ça existe encore ce genre de personnes à Abidjan ? ».

Autre jour, autre heure de la journée. Nous partons à l’église. Juste en face un gros tas d’ordures. Bien sûr, on hâte le pas pour ne pas que l’odeur nauséabonde investisse nos narines. Très vite je réalise que mon mari ne me suit plus. Il est près des ordures, accroupi. Un homme y est couché. Il lui parle. Tout le monde les regarde. Il s’éloigne, va à la boutique acheter de la boisson, va sur l’étalage d’une dame acheter de la nourriture et la donne au monsieur.

Je ne vous parle pas d’une fois, ni de deux fois, mais de cas qu’on ne peut compter. Une fois il s’est même retrouvé à aller déposer un enfant à Anyama. Le petit avait piqué une crise d’Asthme non loin de la maison.

Un soir, une nuit. Je me réveille. Le lit est vide. Encore une fois. Je monte. Il est en haut en train de prier. Il m’explique une histoire rocambolesque. Il avait un peu sommeil et il a décidé de sortir prier dans la rue. Il a vu un jeune homme couché, malade. Il l’a raccompagné chez lui dans un bidonville de Cocody. Le type lui a raconté son histoire. Il était plutôt bien parti dans la vie mais il a brusquement perdu ses deux parents. Il n’avait que son frère, un agent des eaux et forêts pour l’aider. Toute la grande famille les a abandonnés. Son frère, son seul soutien, vient de mourir. Il s’est retrouvé dans ce bidonville. Il est malade et il a décidé de faire une dernière tentative pour demander de l’argent à un oncle. En route il a ressenti un malaise et s’est couché où mon mari l’a vu.

« Maman tu as vu comment la vie de quelqu’un peut basculer en un rien de temps ? Prions pour que cela n’arrive pas à nos enfants. »

Je ne vous parle pas d’une fois, ni de deux fois, mais de cas qu’on ne peut compter. Et ces aides, ce font parfois au détriment de  notre sécurité financière. Oui mon époux est ce genre de fou capable de vider son compte en banque pour quelqu’un parce qu’il est convaincu que c’est la bonne chose à faire. Au début j’étais fâchée. « C’est parce que tu sais que je vais gérer que tu fais ça ».

Mais après j’ai compris. Même quand je n’avais pas les moyens pour gérer, même quand nous n’avions plus rien, nous n’avons jamais manqué de rien. Paradoxal non ?

« Tel qui donne libéralement devient plus riche. Tel qui épargne à l’excès s’appauvrit. » Proverbe 11 : 24

Je ne pourrai jamais parler de tout ce qu’il fait. Mais je tiens à expliquer cette fois qui demeure la plus marquante pour moi. Nous revenions de Yopougon. J’ai entendu un petit bruit et vu dans le rétroviseur un homme se tenir le bras. Apparemment il marchait un peu trop sur la route et mon époux l’avait heurté avec le rétroviseur. Je l’ai signifié à mon mari qui a voulu faire demi-tour.

J’ai dit « djo, ça ne doit pas être bien grave vu qu’il a continué à marcher et que tu roulais doucement. Laisse tomber, allons-y ».

Mon mari a tenu à faire marche arrière. Il a retrouvé l’homme. Il est descendu. Soudain, il s’est mis à genoux devant lui. Je ne sais pas entre la « victime » et moi qui était le plus surpris devant l’attitude de mon mari.

L’homme était à pieds, dans des vêtements défraîchis et des sandales poussiéreuses. Nous descendions d’une voiture flambant neuve.  A l’échelle de la société on ne pouvait pas attendre des représailles quelconques de cet homme. En plus c’était lui qui avait quitté le trottoir pour occuper la route. Le geste de mon époux m’a surpris, puis énervée. Les gens ont commencé à nous regarder. Le monsieur même était gêné.

« Chef, y a rien ! Pardon il faut te lever, pardon !  Lève-toi ! »

Mon mari s’est levé en continuant à se confondre en excuses. Je ne sais plus s’il a donné un billet de banque au monsieur ou pas. J’étais fâchée. Très fâchée. C’est à peine si la fumée ne sortait pas de mes narines. J’avais tellement honte. J’avais l’impression qu’il m’avait humiliée en s’humiliant ainsi. J’ai trouvé qu’il en faisait trop. Il m’a dit ceci plus tard:

«Accorder le même respect à tout le monde, petit ou grand de façon égale, c’est très important.  J’ai ressenti le besoin de le faire. Ça ne m’a rien enlevé et ce monsieur s’est senti considéré. On est tous poussière. Il ne sert à rien d’avoir un égo démesuré. »

J’ai eu honte. Les fois qui ont suivi, car ce n’est pas la seule fois où j’ai vu mon époux se faire petit de la sorte, le sentiment de colère avait disparu.

Chaque jour j’apprends à ses côtés à être plus généreuse, plus aimante, à être une meilleure personne. Et je bénis Dieu d’avoir permis à mes fils de l’avoir pour père.

« Dieu aime qu’on soit généreux avec des personnes qui n’ont aucun moyen de nous rendre notre générosité. Offrir un cadeau à son supérieur c’est bien. Mais le faire à un subalterne c’est encore mieux. »

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